Trente-six poèmes d’amour

Un bouquet de 36 poèmes, chansons, textes et scènes d’amour !

1
L’art d’aimer / Mahmoud Darwich

Avec la coupe sertie d’azur,
Attends-la
Auprès du bassin, des fleurs du chèvrefeuille et du soir,
Attends-la
Avec la patience du cheval sellé pour les sentiers de montagne,
Attends-la
Avec le bon goût du prince raffiné et beau,
Attends-la
Avec sept coussins remplis de nuées légères,
Attends-la
Avec le feu de l’encens féminin omniprésent,
Attends-la
Avec le parfum masculin du santal drapant le dos des chevaux,
Attends-la
Et ne t’impatiente pas. Si elle arrivait après son heure,
Attends-la
Et si elle arrivait, avant,
Attends-la
Et n’effraye pas l’oiseau posé sur ses nattes,
Et attends-la
Qu’elle prenne place, apaisée, comme le jardin à sa pleine floraison,
Et attends-la
Qu’elle respire cet air étranger à son cœur,
Et attends-la
Qu’elle soulève sa robe qu’apparaissent ses jambes, nuage après nuage,
Et attends-la
Et mène-la à une fenêtre qu’elle voit une lune noyée dans le lait,
Et attends-la
Et offre-lui l’eau avant le vin et
Ne regarde pas la paire de perdrix sommeillant sur sa poitrine,
Et attends-la
Et comme si tu la délestais du fardeau de la rosée,
Effleure doucement sa main lorsque
Tu poseras la coupe sur le marbre,
Et attends-la
Et converse avec elle, comme la flûte avec la corde craintive du violon,
Comme si vous étiez les deux témoins de ce que vous réserve un lendemain,
Et attends-la
Et polis sa nuit, bague après bague,
Et attends-la
Jusqu’à ce que la nuit te dise :
Il ne reste plus que vous deux au monde.
Alors porte-la avec douceur vers ta mort désirée
Et attends-la!…

(La terre nous est étroite et autres poèmes, 1999)


2
Vivre! / Nazim Hikmet

Pense Taranta-Babu : Le cœur La tête et le bras de l’homme fouillant les entrailles de la terre ont créé de tels dieux d’acier aux yeux de feu qu’ils peuvent écraser la terre d’un coup de poing. L’arbre qui donne des grenades une fois par an peut en donner mille fois plus. Si grand, si beau est notre monde et si vaste, si vaste, le bord des mers que nous pouvons tous chaque nuit nous allongeant côte à côte sur les sables d’or chanter les eaux étoilées. Que c’est beau de vivre, Taranta-Babu Que c’est beau de vivre comprenant le monde comme un livre le sentant comme un chant d’amour s’étonnant comme un enfant VIVRE! Vivre un à un et tous ensemble comme on tisse une étoffe de soie Vivre comme on chante en chœur un hymne à la joie.
Vivre…Et pourtant quelle drôle d’affaire Taranta-Babu Quelle drôle d’histoire Que cette chose incroyablement belle que cette chose indiciblement joyeuse soit tellement dure aujourd’hui tellement étroite tellement sanglante tellement dégoûtante.


3
Extrait de Abdellatif Laabi dans Le spleen de Casablanca

Oh que non
l’apaisement n’est pas venu
Il y a encore dans cette carcasse
un cortège de folies à naître
Il y a encore dans cette bouche
d’âcres proférations
Il y a encore sur cette paume
des pistes interminables
pour la danse des malédictions
Il y a encore dans ce coeur
mille passions inassouvies
Il y a toi
amour
qui me recrées
quand je crois m’être éteint
Oh que non
l’apaisement n’est pas venu


4
La Centaine d’amour / Pablo Neruda

J’ai faim de tes cheveux, de ta voix, de ta bouche,
sans manger je vais par les rues, et je me tais,
sans le soutien du pain, et dès l’aube hors de moi
je cherche dans le jour le bruit d’eau de tes pas.

Je suis affamé de ton rire de cascade,
et de tes mains couleur de grenier furieux,
oui, j’ai faim de la pâle pierre de tes ongles,
je veux manger ta peau comme une amande intacte,

et le rayon détruit au feu de ta beauté,
je veux manger le nez maître du fier visage,
je veux manger l’ombre fugace de tes cils,

j’ai faim, je vais, je viens, flairant le crépuscule
et je te cherche, et je cherche ton coeur brûlant
comme un puma dans le désert de Quitratúe.


5
Je lis ton corps…et me cultive/ Nizar Qabbani

Le jour où s’est arrêté
Le dialogue entre tes seins
Dans l’eau prenant leur bain
Et les tribus s’affrontant pour l’eau
L’ère de la décadence a commencé,
Alors la guerre de la pluie fut déclarée
Par les nuages
Pour une très longue durée,
La grève des vols fut déclenchée
Par la gente ailée,
Les épis ont refusé
De porter leurs semences
Et la terre a pris la ressemblance
D’une lampe à gaz.

Le jour où ils m’ont de la tribu chassé
Parce qu’à l’entrée de la tente j’ai déposé
Un poème
L’heure de la déchéance a sonné.
L’ère de la décadence
N’est pas celle de l’ignorance
Des règles grammaticales et de conjugaison,
Mais celle de l’ignorance
Des principes qui régissent le genre féminin,
Celle de la rature des noms de toutes les femmes
De la mémoire de la patrie.

O ma bien aimée,
Qu’est-ce donc que cette patrie
Qui se comporte avec l’Amour
En agent de la circulation ?
Cette patrie qui considère que la Rose
Est un complot dirigé contre le régime,
Que le Poème est un tract clandestin
Rédigé contre le régime?
Qu’est-ce donc que ce pays
Façonné sous forme de criquet pèlerin
Sur son ventre rampant
De l’Atlantique au Golfe
Et du Golfe à l’Atlantique,
Parlant le jour comme un saint
Et qui, la nuit tombant,
Est pris de tourbillon
Autour d’un nombril féminin?

Qu’est-ce donc cette patrie
Qui exerce son infamie
Contre tout nuage de pluie chargé,
Qui ouvre une fiche secrète
Pour chaque sein de femme,
Qui établit un PV de police
Contre chaque rose?

O bien aimée
Que faisons-nous encore dans cette patrie
Qui craint de regarder
Son corps dans un miroir
Pour ne pas le désirer?
Qui craint d’entendre au téléphone
Une voix féminine
De peur de rompre ses ablutions?
Que faisons-nous dans cette patrie égarée
Entre les œuvres de Chafi’i et de Lénine,
Entre le matérialisme dialectique
Et les photos pornos,
Entre les exégèses coraniques
Et les revues Play Boy,
Entre le groupe mu’tazélite
Et le groupe des Beattles,
Entre Rabi’a-l-‘Adaouya
Et Emmanuelle?

O toi être étonnant
Comme un jouet d’enfant
Je me considère comme homme civilisé
Parce que je suis ton Amant,
Et je considère mes vers comme historiques
Parce qu’ils sont tes contemporains.
Toute époque avant tes yeux
Ne peut être qu’hypothétique,
Toute époque après tes yeux
N’est que déchirement ;
Ne demande donc pas pourquoi
Je suis avec toi :
Je veux sortir de mon sous-développement
Pour vivre l’ère de l’Eau,
Je veux fuir la République de la Soif
Pour pénétrer dans celle du Magnolia,
Je veux quitter mon état de Bédouin
Pour m’asseoir à l’ombre des arbres,
Je veux me laver dans l’eau des Sources
Et apprendre les noms des Fleurs.
Je veux que tu m’enseignes
La lecture et l’écriture
Car l’écriture sur ton corps
Est le début de la connaissance:
S’y engager est s’engager
Sur la voie de la civilisation.
Ton corps n’est pas ennemi de la Culture,
Mais la culture même.
Celui qui ne sait pas faire la lecture
De l’Alphabet de ton corps
Restera analphabète sa vie durant.


6
“Demain.” Le mot / Pedro Salinas

“Demain.” Le mot
Allait, délié, vacant,
Sans poids dans le vent,
Si dénué d’âme et de corps,
De couleur, de baiser,
Que je l’ai laissé passer
Près de moi aujourd’hui.
Mais soudain toi
Tu as dit: “Moi, demain…”
Et tout s’est peuplé
De chair et de drapeaux.
Sur moi se précipitaient
Les promesses
Aux six cents couleurs,
Avec des robes à la mode,
Nues mais toutes
Chargées de caresses.
En train ou en gazelles
M’arrivaient aigus,
Sons de violons
Des espoirs ténus
De bouches virginales.
Ou rapides et grandes
Comme des navires, de loin,
Comme des baleines
Depuis des mers distantes,
D’immenses espérances
D’un amour sans final.
Demain! Quel mot
Vibrant, tendu
D’âme et de chair rose,
Corde de l’arc
Où tu posas, si effilée,
Arme de vingt années,
La flèche la plus sûre
Quand tu as dit: “Moi…”


7
Mon rêve familier / Paul Verlaine (1844-1896)

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les ait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde, rousse? – Je l’ignore.
Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.


8
Ton absence / Sarah Alexander

Quand de moi tu t’éloignes
Laissant mon coeur
Débordé des doux souvenirs,

Quand mon âme à froid
Et mon corps orphelin de ton absence
Ne connaît plus l’ivresse de tes caresses

Quand la nuit paupières baissées
Je suis la proie de mes pensées
Réconciliée que par la trêve de mes rêves

Alors comme les ailes d’un moulin par un vent violent
Comme l’eau d’un torrent descendant de la montagne
Comme les pas légers d’une gazelle
J’aimerais que passe le temps

Et tu viendras dans mon jardin
Goûter ses fruits, boire à sa fontaine
Et l’euphorie des baisers se confondra avec le tourbillon
de sable.


9
Tahar Benjelloun dans Fès

Je me souviens de jeux interdits sur les terrasses
Où le corps des jeunes filles s’évade
Où nos mains se dispersent
À la recherche des seins nubiles
Où la peur est joie insolente
rassemblant nos ruses et nos rires
La peur blanche du plaisir inconnu
À même le sol
Nous découvrons
L’amère brûlure de l’amour.


10
L’amoureuse / Paul Eluard

Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.Ses rêves en pleine lumière
Font s’évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
« C’est la douce loi… »;
« Dit de la Force de l’amour »


Il n’y a pas d’amour heureux / Louis Aragon (1897-1982)

Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
À quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux.


12
Sensation / Arthur Rimbaud (1854-1891)

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.


13
Les yeux d’Elsa / Louis Aragon (1897-1982)

Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire
J’ai vu tous les soleils y venir se mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire

À l’ombre des oiseaux c’est l’océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L’été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n’est jamais bleu comme il l’est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l’azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu’une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d’après la pluie
Le verre n’est jamais si bleu qu’à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L’iris troué de noir plus bleu d’être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d’un firmament pour des millions d’astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L’enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l’averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d’août

J’ai retiré ce radium de la pechblende
Et j’ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu’un beau soir l’univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa.


14
Omar Khayyâm

Cette nuit où la présence de l’aimée éclaire mon âme,
Ma bonne étoile l’emporte sur tous ceux qui me sont hostiles.
Je n’ai que faire de la lumière de la bougie ou de celle de la lune ;
Cette nuit où tu es là, auprès de moi, m’est comme un jour !


15
Je vais t’aimerAlain Borne

je vais ne plus rien vouloir
dans mes yeux que ton visage
je vais ne supporter mes mains
que caressant ton corps
je vais n’accepter l’espace
que si tu l’occupes
je vais n’être rien
qu’à l’instant de te posséder
je vais
mourir interminablement je vais
vivre si tu vis contre moi
et quand ton plaisir viendra
comme les fleurs rouges sur le printemps vert
au sommet de ta chair je cueillerai
le bouquet de ta joie
afin d’y enfouir mon visage
en y mêlant mon bonheur devenir
un vivant ivre de vie
et crier que vivre est bon
lorsque vivre est vivre
lorsque vivre
est réunir nos deux sangs
lorsque vivre
est te traverser et te devenir
et ne savoir même plus que je te suis.


16
dans Alcools / Guillaume Apollinaire

Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaître l’ancien jeu des vers
Je ne sais plus rien et j’aime uniquement
Les fleurs à mes yeux redeviennent des flammes
Je médite divinement
Et je souris des êtres que je n’ai pas créés
Mais si le temps venait où l’ombre enfin solide
Se multipliait en réalisant la diversité formelle de mon amour
J’admirerais mon ouvrage


17
Enivrez-vous / Charles Baudelaire

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question.
Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules
et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé,
vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge;
à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est.
Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront,
il est l’heure de s’enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps,
enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.


18
Le plus beau concerto / Léo Ferré

Le plus beau concerto est celui que j’écris
Sur les claviers jaloux de ton corps ébloui
Quand mes hautbois en caravanes
Viennent mourir dans tes jardins
Et que m’offrant tant de festins
Tes lèvres dansent la pavane

Le plus beau concerto est celui de ta voix
Les matins reconquis à l’archet de mes doigts
Quand tu meurs à mes violoncelles
Les anges cassent leurs violons
Et sont jaloux de nos chansons
Car la musique en est trop belle


19
Les chants de la vie / Abou Kacem Chebbi

«- Quand, un jour, le peuple veut vivre
Forcément, le destin lui obéit
Et forcément, la nuit se dissipe
Et forcément, les chaines se brisent…

Et… celui qui n’est pas attaché à la vie
S’évapore dans l’atmosphère et y sera englouti ;
Malheur, donc, à celui que la vie n’exalte pas :
Au coup du victorieux néant, il n’échappera pas.»
Ainsi, me dirent les êtres
Et me parla leur âme cachée.

Et le vent maugréa entre les vallons,
Sous les arbres et sur les monts:
« -Quand je tends vers un but
J’enfourche l’espérance et oublie toute prudence.
Et je n’évite ni les montées scabreuses
Ni les boules de flammes embrasées…
Celui qui n’aime pas grimper les montagnes
Vivra éternellement entre les fossés ».

Alors, le sang de la jeunesse tourbillonna dans mon cœur
Et dans ma poitrine, des vents nouveaux hurlèrent
Et je me mis à écouter le grondement du tonnerre
Et la mélodie des vents et le bruit de la pluie
Et la terre me dit, quand je lui avais demandé :
« -Oh, mère ! Est-ce que tu hais l’humanité ? »
« -Je bénis, parmi les hommes, les ambitieux
Et ceux qui aiment affronter les dangers
Et je maudis ceux qui ne se conforment pas au temps
Et se suffisent de vivre la vie… la vie des pierres.
Ainsi est l’univers .Vivant. Il aime la vie
Et méprise le mort quel que soit son rang…
Ni l’horizon n’accueille les oiseaux morts
Ni les abeilles ne lèchent les fleurs fanées.
Et sans la tendresse maternelle de mon cœur,
Les tombes n’accueilleraient jamais les morts.
Malheur, donc, à celui que la vie n’exalte pas,
Au coup du victorieux néant, il n’échappera pas».

Et un soir d’automne,
La nuit était épuisée par le chagrin et l’ennui,
J’étais enivré tant les étoiles brillaient
Et j’ai chanté à la tristesse tant qu’elle s’est enivrée
Et j’ai demandé à l’obscurité :
« -Est-ce que tu peux ressusciter
Ce qui est par le printemps fané? »

Mais les lèvres de la nuit ne répondirent pas
Et les nymphes de l’aube ne chantèrent pas.
Et les bois me dirent avec une douceur
Aussi admirable que les vibrations des cordes :
« -L’hiver arrive, l’hiver embrumé,
L’hiver de la neige… l’hiver de la pluie.
Alors, s’éteint la magie… la magie des branches,
La magie des fleurs, la magie des fruits
Et la magie de la belle et douce nuit
Et la magie des prairies exquises et embaumées.
Et tombent les branches et leurs feuilles
Et les fleurs d’un temps tendre et aimé.
Et le vent les emporte dans tous les fleuves
Et le courant les enterre où qu’il passe.
Et tout s’éclipse comme un beau rêve
Qui illumine un cœur et puis, disparait.
Et …persiste la semence, qui porte
Les réserves d’un bel âge évanoui
Et le souvenir des saisons et le songe d’une vie
Et les troupes dispersées des fantômes d’une vie…
Enlaçant, sous la brume,
Sous la neige et sous la pluie,
La douceur d’une vie qui jamais n’ennuie
Et le cœur du printemps doux et parfumé…
Et rêvant des chants des oiseaux
Et de la fragrance des fleurs et du goût des fruits.

Et …le temps passe… et… des douleurs naissent
Et des douleurs périssent et puis d’autres renaissent.
Et ses rêves deviennent une réalité
Parée du mystère de l’aube.
Et elle demande : -Où est la brume du matin ?
Et la magie de la nuit ? Et le clair de la lune ?
Et l’essaim des élégants papillons ?
Et les abeilles qui chantent ? Et les nuages qui passent?
Et où sont les rayons et les êtres ?
Et où est la vie que j’attends?
Que j’ai soif de la lumière au-dessus des branches !
Que j’ai soif de l’ombre sous les arbres !
Que j’ai soif de la fontaine, entre les prairies,
Dansant et chantant entre les fleurs !
Que j’ai soif des chants des oiseaux,
Des murmures de la brise et de la mélodie de la pluie !
Que j’ai soif de l’univers ! Mais où est l’existence ?
Mais quand verrai-je le monde auquel j’aspire ?
Tel est l’univers… il est derrière la torpeur de l’inertie
Et à l’horizon du grand réveil. »

Et il ne fallut que le temps d’un battement d’ailes
Pour que son désir grandît et triomphât.
Alors, la terre se fendit
Et révéla l’univers en sa plus belle image :
Et vint le printemps avec ses mélodies
Et ses rêves et sa jeunesse embaumée.
Il posa sur ses lèvres des baisers
Qui ravivent la jeunesse perdue
Et lui dit : « – On t’a donné la vie
Et tu es éternisée grâce à ta progéniture épargnée.
Et la lumière t’a bénite… Accueille donc
La jeunesse de la vie et la fertilité de l’âge.
Celui dont les rêves adorent la lumière,
Est bénit où qu’il paraisse.
A toi l’espace et à toi l’univers et la lumière
A toi la terre rêveuse et prospère !
A toi la beauté qui éternise !
A toi l’existence fraîche et immense !
Gambade à travers les champs
Avec les doux fruits et les plus belles fleurs.
Et confie-toi à la brise et confie-toi aux nuages !
Et confie-toi aux étoiles et confie-toi à la lune
Et confie-toi à la vie et à ses passions
Et à la beauté de cette superbe existence ! »

La nuit laissa transparaître une beauté profonde
Qui rafraîchit l’imagination et ranime l’esprit…
Et l’univers baigna dans une étrange magie
Que gère un grand magicien.
Et… s’allumèrent les bougies des éclatantes étoiles
Et s’évapora l’encens… l’encens des fleurs.
Et une âme d’une étrange beauté
Ayant des ailes de clair de lune se mit à frémir.
Et … retentit l’hymne sacré de la vie
Dans un temple rêveur et envoûtant.
Et il annonça dans l’univers que l’ambition
Est la flamme de la vie et de la fortune
Et que si les cœurs aspirent à la vie
Forcément, le destin leur obéit.

[Poème traduit par Samia Lamine publié p.108, dans son recueil « Dabka jusqu’à l’aube » (2013).]


20
Les loups ont des têtes de mouton / Julos Beaucarne

Depuis qu’ Lumumba fut tué
Pour avoir dit sa vérité
Depuis qu’ Lahaut est là en haut
Parce qu’il avait parlé tout haut
Depuis qu’on étouffa une fille
Dans un avion pour pas qu’elle crie
Les loups ont des têtes de mouton
Derrière les roses y a des chardons

{Refrain:}
C’est celui qu’est tout en haut
Qui tient le manche de la faux
Si ce que tu dis cause souci
Tu seras vite raccourci
Celui qui regarde jouer aux cartes
S’il pète un mot d’ trop on l’écarte
Les p’tits regardants n’ont rien à dire
Su l’ jeu des grands, ça c’est bien pire

Celui qui se tient haut perché
Il a le droit d’ vous supprimer
De beaux enfants sautent sur des mines
Mais on n’arrête pas la machine
D’autres sont drogués pour tuer
Et la cocaïne les défait
Nous vivons en pleine barbarie
Les soldats violent toujours les filles

{au Refrain}

Chez nous un jeune homme fut visé
Tiré comme lièvre en un pré
Pour le diamant, Kisangani
A été totalement détruit
Y a des fabriques et des boutiques
De fusils à deux pas d’ici
La mort fait vivre nos ouvriers
L’emploi est sauf, on laisse couler

{au Refrain}

Des femmes sont tuées à chaque jour
Par jalousie par leurs amours
Y a des p’tites filles qui sont forcées
Et toute leur vie en est gâchée
Y en a d’autres à qui on enlève
Le clitoris, leur vie s’achève
À trois ans on tourne la page
Leur vivant c’est déjà : veuvage

Tout l’ monde veut être tout en haut
Pour tenir le manche de la faux
Une fois qu’il tient, il veut faucher
Et l’ cauchemar de recommencer
Les p’tits regardants devenus grands
Veulent jouer au grand jeu des grands
Y en a pas un qu’est épargné
Tout l’ monde veut être le premier

Nous sommes six milliards tout en bas
Maraboutés au nom de quoi
Au nom du pèze, au nom du fisc
Et du sacro-saint bénéfice
Mineurs et majeurs détournés
Par des bonimenteurs roués
Qui veulent que nous marchions au pas
Et dans les souliers de leur choix

C’est celui qui est tout en bas
Qui est bien plus fort qu’il ne croit
Si nous le voulons, toi et moi
Le cauchemar s’arrêtera
Six milliards de p’tits regardants
Peuvent devenir acteurs puissants
Six milliards de gens conscients
Ensemble changent le cours du temps


21
« Wahabt Omri Lel Amal » / « وهبت عمري للأمل » / Ahmed Fouad Najm (Chanson de Sheikh Imam reprise par Maryam Saleh)

وهبت عمري للأمل ولا جاشي
وغمرت غيطي بالعرق ما عطاشي
ورعيت لمحبوبي هواه ما رعاشي
والليل عليّ طويل ..
وأنا العليل ..
موجود دوا بس الطبيب ما رضاشي
والصبر فين ؟!
الصبر فين يا سنين طوال وليالي
عيني على الجمل الأصيل العالي
لمّا ينخ بحمل من أحمالي
لكن في كل صباح ..
بانسى الجراح ..
وانقش بفاسي ع الغيطان موالي
يا ليل يا عين
يا ليل يا عين يا أرض يا معزوقة
يا كاشفه من شوقك خطوط مشقوقة
لما حضنتك والبذور مرشوقه
غنيت وفي المغنى فرضي للسمرا أرضي ..
هيَّ اللي باقيه ع الزمن معشوقه
والعشق زين
العشق زين بس الهموم سبّاقة
والشوف حديد بس الغيوم خنّاقة
والانتظار للوعد نار حرّاقة
امتى تطول العيدان دا من زمان ..
مشتاق أنا والحلوه مش مشتاقة
والذل شين
الذل شين والأرض بكر عفية
يوم الحصاد وعروسه متحنية
لو شفتها بالقمح متغطية
ح افرش عبايتي واقابل
أم السنابل
وح اضم أملي بعد شوق بعيني
وبالإيدين
وبالإيدين المعروقين يا مناجل
أطوي ضلامي بالصباح العاجل
وانزل بشومتي ع الغراب الحاجل
ويا يبقى شغل وغنا ..
طول السنة ..
يا تبقى ثورة في الصدور ومراجل
والوعد دين
الوعد دين


22
اسق العطاش/ما كل من ذاق الصبابة مغرم / Omar Bahauddin Amiri, poète syrien (Chanté par Loutfi Bouchnaq, chanteur tunisien)

ما كل من ذاق الصبابة مغرم ،،،،،،،،،، من لم يذق طعم المحبة ما مرس
أنا يا سعاد بحبل ودك واثق ،،،،،،، لن انس ذكرك في الصباح وفي الغلس
يا جنة للعاشقين تزخرفت ،،،،،،،،،،،،،،، جودي بوصل فالمتيم ما أأتنس
أنيت ، قالت : كم تأن ؟ أجبتها ،،،،،،،،،،،،، هذا أنين مفارق بالموت حس
قالت : وما يشفيك ؟ قلت اللقاء ،،،،،، قالت : أزيدك بالوصال ، فقلت : بس
فتبسمت عجبا وقالت : لن ترى وصلي،،،،،،،،،، فذاك أمر من أخذ النفس
تقرأ سعاد بضد ما أقرأ أنا ،،،،،،،،،،،،، أقرأ ألم نشرح ،، فتقرأ لي عبس
جس الطبيب مفاصلي ليداويني ،،،،،،،،،،،،،، فبكى علي رحمة حين جس
مالي شفاء يا سعاد لعلتي ،،،،،،،،،،،،،،،، إلا الصلاة على المؤيد بالغلس


23
Laghzal Fatma / Hassan Slimani (malhoune marocain)

Refrain : Ma belle amante, c’est toi qui m’attires, la seule à me séduire !
Tu es agréable et pleine de charme. Je t’adore ma chère Fatma !

*** 01
Ma fatma : enchanté profondément de te dire :
Tu es amène, emplie de saveur, de bonté, de bonne humeur,
Tu parais comme une fleur. Quelle fraîcheur animant le cœur !
A dire vrai, charmé, je t’admire. Impatient, je désire
T’avoir à moi seul, c’est mon objectif. Je peux y parvenir.

*** 02
Ma fatma : à vrai dire, je ne cesse de te chérir,
Tes regards sont fascinateurs, tes joues montrent la rougeur
De ta foi et ta pudeur. Quelle verdeur de ton corps rieur !
Si avenant, je dois te choisir, le sort devra m’ouvrir
Un large horizon d’une vie de quiétude, de repos, de grand plaisir.

*** 03
Ma fatma : je te prie de bien vouloir adoucir
Mon état d’âme souffrant de douleurs qui me mettent, à cette heure,
Au sein d’une cruelle ardeur. Quel malheur ! Et quel déshonneur
De vivre loin de tes beaux sourires ! Je souhaite me couvrir
Favorablement de ton bel amour, le seul à me guérir.

*** 04
A dire vrai, Je ne peux continuer à décrire
Ma chère Fatma avec sa douceur, son esprit enchanteur,
La femme dont je suis rêveur. Sa senteur, dans mon intérieur,
Secoue mes sens. Je voudrais bâtir alors mon avenir
Avec mon amante admirable à qui j’agrée, je vais m’unir.

***05
Finalement ma Fatma je vous adresse, en soupirs,
Mes vœux de joie, santé et bonheur dans ces mots louangeurs.
Le Malhoun est mon honneur. Il demeure riche en ses valeurs.
Mes auditeurs : avant de finir, mon nom, je vais le dire
« Slimani Hassan » À Zerhoun, je suis heureux de m’établir.
Ce que j’ai dit n’est rien qu’un délire. Je n’ai rien à sentir
Envers Fatma qui n’existe pas. Je ne peux vous mentir.
En galant homme, je ne peux me conduire, je suis enclin à agir
Dans le bon sens. L’idée des manèges est loin de m’envahir.
Je prie Allah de vouloir me bénir et de me soutenir
pour que le soleil de tous mes écrits ne cesse tout le temps de luire.
zélé, je tente toujours d’élargir, finement et à loisir,
Le champ du Malhoun. Mon recueil est de nature à l’enrichir
En mon Dieu j’espère me réjouir.Qu’il daigne m’accueillir
En sa sainte grâce et miséricorde auxquelles mon âme aspire !


24
Je l’aime à mourir / Francis Cabrel

Moi je n’étais rien et voilà qu’aujourd’hui
Je suis le gardien du sommeil de ses nuits, je l’aime à mourir
Vous pouvez détruire tout ce qu’il vous plaira
Elle n’a qu’à ouvrir l’espace de ses bras pour tout reconstruire
Tout reconstruire, je l’aime à mourir
Elle a gommé les chiffres des horloges du quartier
Elle a fait de ma vie des cocottes en papier, des éclats de rire
Elle a bâti des ponts entre nous et le ciel
Et nous les traversons à chaque fois qu’elle ne veut pas dormir
Ne veut pas dormir, je l’aime à mourir
Elle a dû faire toutes les guerres
Pour être si forte aujourd’hui
Elle a dû faire toutes les guerres
De la vie, et l’amour aussi
Elle vit de son mieux son rêve d’opaline
Elle danse au milieu des forêts qu’elle dessine, je l’aime à mourir
Elle…


25
Elle Est Si Touchante / Jacques Higelin

Elle est si touchante
qu’autour d’elle tout chante
l’amour de la vie
Si belle et si charmante
qu’autour d’elle tout s’enchante

Elle est si sensuelle
que mâles et femelles
tombent en extase
se pâment et se pavanent
devant sa caravane

Elle est si jolie, craquante et sexy
que ces fans adorent
qu’elle rugisse et qu’elle ose
suggérer par ses poses

la danse du lion

Qu’est-ce qui la fait bondir
sauter et rugir
de colère ou de joie
de rage ou de plaisir

C’est l’âme arc-boutée
entre terre et ciel
qui fait vibrer ses ailes rebelles
rebelles

Elle est si touchante
qu’autour d’elle tout chante
la nuit comme le jour
Et parfois si cruelle
qu’on se flinguerait pour elle

Elle est si vivante,
drôle et désarmante
qu’on toucherait du doigt
ce qui vibre en elle
la toute petite parcelle
de l’âme universelle

Elle est si sublime
que c’est presque un crime
de vouloir l’enfermer
parfois
entre mes bras

Elle est si volage
si libre et sauvage
que la mettre en cage
est juste impensable

Moi j’aime comme elle est
Comme je la crois
Comme je la sais


26
Scène du film Reds / Warren Beatty (1981)


27
Todo Cambia..Tout change / Mercedes Sosa

Cambia lo superficial..Ce qui est superficiel change
cambia también lo profundo..Ce qui est profond aussi
cambia el modo de pensar..La mode de pensée change
cambia todo en este mundo..Tout change en ce monde
Cambia el clima con los años
cambia el pastor su rebaño..Le climat change avec les années
y así como todo cambia..Le berger change son troupeau
que yo cambie no es extraño..Et ainsi, comme tout change,
Cambia el mas fino brillante..Il n’est pas étrange que je change aussi
de mano en mano su brillo
cambia el nido el pajarillo..Le diamant le plus fin change
cambia el sentir un amante..De main en main, sa brillance
Cambia el rumbo el caminante..Le petit oiseau change son nid
aunque esto le cause daño..Un amant change son sentiment
y así como todo cambia
que yo cambie no extraño..Le marcheur change de direction
Cambia todo cambia..Même si cela lui fait mal
Cambia todo cambia..Et ainsi, comme tout change,
Cambia todo cambia..Il n’est pas étrange que je change aussi
Cambia todo cambia
Cambia el sol en su carrera..Ca change, tout change
cuando la noche subsiste
cambia la planta y se viste..Le soleil change dans sa course
de verde en la primavera..Quand la nuit subsiste
Cambia el pelaje la fiera..La plante change et se vêtit
Cambia el cabello el anciano..De vert au printemps
y así como todo cambia
que yo cambie no es extraño..Le fauve change de pelage
Pero no cambia mi amor..Le vieux monsieur change de cheveux
por mas lejos que me encuentre..Et ainsi, comme tout change,
ni el recuerdo ni el dolor..Il n’est pas étrange que je change aussi
de mi pueblo y de mi gente
Lo que cambió ayer..Mais mon amour ne change pas
tendrá que cambiar mañana..Qu’importe la distance à laquelle je me trouve
así como cambio yo..Ni le souvenir, ni la douleur
en esta tierra lejana..De mon peuple et de mes gens
Cambia todo cambia
Cambia todo cambia..Ce qui a changé hier
Cambia todo cambia..Devra changer demain
Cambia todo cambia..Tout comme moi je change
Pero no cambia mi amor..Sur cette terre lointaine
por mas lejos que me encuentre
ni el recuerdo ni el dolor..Ca change, tout change
de mi pueblo y de mi gente
Lo que cambió ayer..Mais mon amour ne change pas
tendrá que cambiar mañana..Qu’importe la distance à laquelle je me trouve
así como cambio yo..Ni le souvenir, ni la douleur
en esta tierra lejana..De mon peuple et de mes gens
Cambia todo cambia
Cambia todo cambia..Ce qui a changé hier
Cambia todo cambia..Devra changer demain
Cambia todo cambia..Tout comme moi je change
Sur cette terre lointaine
Ca change, tout change.


28
Vidéo mariage à Tétouan, Maroc avec Abdesadek Chakara et son orchestre / Izza Genini


29
Mon très cher petit Lou je t’aime / Guillaume Apollinaire

Mon très cher petit Lou je t’aime
Ma chère petite étoile palpitante je t’aime
Corps délicieusement élastique je t’aime
Vulve qui serre comme un casse-noisette je t’aime
Sein gauche si rose et si insolent je t’aime
Sein droit si tendrement rosé je t’aime
Mamelon droit couleur de champagne non champagnisé je t’aime
Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau qui vient de naître je t’aime
Nymphes hypertrophiées par tes attouchements fréquents je vous aime
Fesses exquisément agiles qui se rejettent bien en arrière je vous aime
Nombril semblable à une lune creuse et sombre je t’aime
Toison claire comme une forêt en hiver je t’aime
Aisselles duvetées comme un cygne naissant je vous aime
Chute des épaules adorablement pure je t’aime
Cuisse au galbe aussi esthétique qu’une colonne de temple antique je t’aime
Oreilles ourlées comme de petits bijoux mexicains je vous aime
Chevelure trempée dans le sang des amours je t’aime
Pieds savants pieds qui se raidissent je vous aime
Reins chevaucheurs reins puissants je vous aime
Taille qui n’a jamais connu le corset taille souple je t’aime
Dos merveilleusement fait et qui s’est courbé pour moi je t’aime
Bouche Ô mes délices ô mon nectar je t’aime
Regard unique regard-étoile je t’aime
Mains dont j’adore les mouvements je vous aime
Nez singulièrement aristocratique je t’aime
Démarche onduleuse et dansante je t’aime
Ô petit Lou je t’aime je t’aime je t’aime.


30
T’es beau / Pauline Croze rechanté ici par Imany

T’es beau
T’es beau parce que t’es courageux
De regarder dans le fond des yeux
Celui qui te défie d’être heureux
T’es beau
T’es beau comme un cri silencieux
Vaillant comme un métal précieux
Qui se bat pour guérir de ses bleus
C’est comme une rengaine
Quelques notes à peine
Qui forcent mon coeur
Qui forcent ma joie
Quand je pense à toi
À présent
J’ai beau
J’ai beau me dire qu’au fond c’est mieux
Même si c’est encore douloureux
Je n’ai pas de recoin silencieux
C’est beau
C’est beau parce que c’est orageux
Avec ce temps je connais peu
Les mots qui traînent au coin de mes yeux
C’est comme une rengaine
Quelques notes en peine
Qui forcent mon coeur
Qui forcent ma joie
Quand je pense à toi
Toi qui sors de scène
Sans armes et sans haine
J’ai peur d’oublier
J’ai peur d’accepter
J’ai peur des vivants
A présent
C’est comme une rengaine
Quelques notes en peine
Qui forcent mon coeur
Qui forcent ma joie
Quand je pense à toi
Toi qui sors de scène
Sans armes et sans haine
J’ai peur d’oublier
J’ai peur d’accepter
J’ai peur des vivants
À présent
T’es beau
T’es beau


31
Flâner Entre Les Intervalles / Jacques Higelin
Je sais

Le cœur qui bat trop fort
et le plaisir des dieux
à embrasser les corps
des diables amoureux

L’irrésistible attrait
du désir interdit
et les peaux affolées
dans les replis du lit

La sauvage emmêlée
les appétits de fauve
l’appel et le rejet
les secrets de l’alcôve

Les amants séparés
par la distance et par les heures
les secondes d’éternité
crispées sur la douleur

Les impatiences extrêmes
les rendez-vous manqués
les taxis qui se traînent
quand le corps est pressé

Je sais le feu aux joues
les yeux de braise, les faims de loup
les baisers dans le cou
le vent qui rend les amants fous

Je sais

Les aveux suspendus
à la bouche cousue
l’incendie des nuits blanches
la retenue qui flanche

La rivière des souhaits
sous le pont des soupirs
et le poids d’un sourire
sur l’arche des regrets

Je sais

Je sais le peu de gratitude
le poison de l’ennui
le désert de la solitude
et le froid qui détruit

La passion dans l’impasse
le mot blessant qui chasse
le mot doux qui retient
le regard qui s’éteint

Les “je t’aime”, “je te hais”
le mal, le bien que l’on s’est faits
sans même l’avoir jamais cherché
je sais l’aube désabusée

Je sais les mots de braise
aux lèvres qui se taisent
et la peur qui nous hante
et mes larmes brûlantes

Les appels au secours
les signaux de détresse
désespérant d’amour
et le vide qui oppresse

Je sais
le geste déplacé
tous les actes manqués
les mots qui dépassent la pensée
et les regards estomaqués

L’innocence des beaux jours
les promesses oubliées
les serments pour toujours
perdus à tout jamais

Je sais le feu qui passe
et le spleen qui revient
le bras qui nous enlace
et l’angoisse qui étreint

Mais je sais

Je sais les chagrins qui s’envolent
au retour du printemps
et les humeurs frivoles
sous le souffle du vent

Les frissons du désir
et le temps qui s’étire
comme un chat langoureux
comme un homme amoureux


32
Sha’am / Chanson de Lena Chamamyan

شآم
فتاة أصيلة بعمر القدر
سموت بها عن قلوب البشر
وراحت عيوني لمرآها تعلو
أسبّح مبدعها فيما صور
فها قطعة من رخام تعشّق
رائحة الياسمين فأزهر
جوري وريحان، مسكٌ وعنبر
فاح بصرحٍ تلوّن أخضر
علاه هلال وزان حلاه
آذان باسم الخلّاق كبّر
زاد دقات الأجراس عين
نداء صلاة بها الروح تطهر
فتعبق بالبخور مطارح
يحلو بها كل قلب تحجّر
شآم أنت فتاتي وأمي
حضنت صباي فهل فيك أكبر
فما أفعل كي أنال رضاك
وفيك بذرت صباي وأبشر
فهل من يزغرد ويُعلي نداءً
لفرحة قلبٍ بجرحٍ تخمّر
فما أفعل كي أنال رضاك
وفيك بذرت صباي وأبشر
شآم أنت فتاتي وأمي
حضنت صباي فهل فيك أكبر
ووعد دهري فيا ليت قبري
وفستان عرسي بفلّك يعمُر
شآم


33
Helw El-Qad / Chanson de Mais Harb
لـبدي و ابدع قوافي عـحلو القد
بـعد الجهـالة تايب صاير مِجـود
مدري عن الجهل حالف بدّو يتوب
ولّا لغيري موالف مرحوم الجـد

مدري عن الجهل حلافي بدّو يتوب
رماني بالمهـافي وعقـلي مسـلوب
ما هو حـق وإنصـافي تسلاني بنوب
يا حشـم الزعل كـافي ان حاكيتك رد

يا حشـم الزعل حاجي خلينا طياب
قاضب درب العواجي من دون اسباب
كنّـو قصـدك غنـاجي وتفتيح بـواب
عندي صارت ملاجي من هزل وجد

كل شي بتطولو يـدّي عندك مرهـون
يابو عيون المسودة وسالف مدهون
كنّـك زعـلان بجـدِّ والله ما تهـون
واجـب عليـي الكدّة من كل البـدّ
..
شرح بعض المفردات
مِجْود : متديّن
تسلاني : تنساني
يا حشم : يا صاحب الحشمة « المحشوم »
سالف مدهون : سالف مُعطّر
الكدّة : هي الذهاب جماعة لطلب الصلح والرضى


34
Le jugement / Said Al Maghribi


35

Le vent de mon pays
souffle, hurle, gronde
sur la terre humide qu’il balaie
il trace des figures
il grave un passé
le mien, le tien, celui de chacun
son bruit me rappelle une symphonie
celle que tu susurrais à mon oreille chaque nuit
Avant, il y a longtemps déjà
aujourd’hui, ce soir, cette nuit
seules les empreintes de la vie
me reviennent à l’esprit et
la pluie tenace, le vent têtu
reviennent comme chaque année
et me ramènent à toi
aussi loin que tu sais
me rappellent encore
que j’ai un corps que j’ai une voix
que j’élève en offrande à toi.

Saïda Menebhi
Née en 1952 à Marrakech. Professeur d’anglais. Militante de l’organisation marxiste-léniniste dissoute Illal Amam. Arrêtée en janvier 1976, torturée et décédée à la suite d’une grève de la faim le 11 décembre 1977.

*****

36

Tu as été l’époque la plus belle de ma vie. C’est pourquoi, non seulement je ne pourrai jamais t’oublier, mais même je t’aurai toujours constamment dans la mémoire la plus profonde, comme une raison de vie.

Peier Paolo Pasolini