Le premier roman de Leila Bahsain est beau, profond et tendre. Il entre haut la main dans la liste des livres que j’aime et je vous le recommande vivement.
J’ai commencé la lecture de ce roman, faute de temps, presque un seul chapitre par jour, juste avant de me coucher. Et de jour en jour, l’envie d’en lire plus s’est installée et j’ai pu ainsi le terminer avec un grand plaisir. Très beau roman, bien écrit, digne de ce que j’ai lu de certains grands et certaines grandes de la littérature marocaine de langue française. Ma mauvaise (ou bonne, c’est selon !) habitude est de plier la page par le bas à chaque fois qu’un passage me touche, soit par ce qu’il représente de profond en moi, soit tout simplement par sa beauté. J’en ai plié plus d’une trentaine, cela me sert surtout à trouver plus facilement les plus belles citations des livres que je lis.
A travers la narratrice, un beau et subtile témoignage, sur les conditions des femmes au Maroc, se profile d’une page à l’autre. Dans un univers et des décors dignes de ceux des grands films, Leila nous livre l’histoire d’une jeune femme, ses pensées et sensations, parfois crues ainsi que ses expériences audacieuses et ses analyses choc. Le monde de la finance, la sexualité taboue, douloureuse et secrète, les femmes mulets de Ceuta, l’Islam, la France, les références culturelles de toute une époque, rien n’échappe à l’auteure qui exprime tout cela non sans humour et dans un style fort et audacieux.
Merci pour tous les détails et toutes les sensations exprimées que, même garçon que je suis et ayant passé ma jeunesse au Maroc, je les ai aussi un peu vécus. Merci aussi pour de ta générosité et de m’avoir délivré quelques secrets de femmes de mon pays que j’avais du mal à apercevoir, à percer ou à même imaginer. Merci enfin pour les beaux passages que je garde de côté afin de puiser dedans, selon les circonstances, des leçons de vie ou simplement des expressions touchantes et bien formulées. Je me permets ici d’en citer quelques-uns :
« Je suis sa princesse. J’ai mal et j’adore cette douleur. Je ne sais si je suis le martyr ou le tortionnaire.
Nous sommes deux, et le diable est avec nous. Son image est distincte, il est si proche. Je vois son visage rouge et ses sourcils de charbon. Son rire est un feu qui me brûle. D’une main, il me tend un oiseau du paradis. De l’autre, il me menace de son fouet. Cent coups de fouet. Cent coups de fouet mais le système est clément. Cent coups théoriques. En pratique, ils seront convertis en opprobre. »
« Le mot écris est rebelle et visionnaire. Il prend ses racines dans le futur. Le mot écrit rejoint l’éternité. Il décante et se bonifie. Écrire appartient au domaine des esprits et des anges. »
« Je n’ai encore jamais vu autant de livres et il me faut un temps d’adaptation pour accéder au culte de la culture. Je suis admise à la faculté d’économie pour étudier le fonctionnement des grands systèmes, des grandes surfaces et de la grande propagande. Le moins que l’on puisse dire est que j’ai du retard à rattraper pour atteindre le niveau de ceux qui ont grandi dans la tradition de la réflexion libre de toute censure. Ceux qui ont accès aux livres, à l’art et à la culture depuis leur naissance. »
« Le rêve est la plus belle preuve de clémence divine adressée aux prisonniers. »
Bon vent, chère amie, à ton premier roman dont je recommande vivement la lecture à mes réseaux d’amis. J’ai déjà hâte de lire d’autres livres de toi !