1. Leïla Bahsaïn, « Le ciel sous nos pas » est ton premier roman, peux-tu me raconter en bref, l’histoire de ce livre, comment l’idée t’es venue, en combien de temps tu l’as écrit?
Depuis quelques années j’écris et je publie des nouvelles régulièrement. C’est toujours le désir de modeler une langue à même de porter une histoire qui anime le démarrage d’un texte.
Pour ce roman, mon idée de départ était en apparence simple : narrer l’éveil amoureux d’une jeune fille d’aujourd’hui, issue de la « génération de la mondialisation », et qui refuse de renoncer à sa liberté. Une femme qui réfléchit par elle même et qui refuse l’idée d’une pensée prête à porter. J’ai donné vie à cette héroïne et je n’ai eu qu’à la suivre des deux côtés de la méditerranée. Le récit s’est égrainé, et les histoires d’amour et d’amitié de cette femme ont été contrariées par les diktats du consumérisme sauvage et de l’extrémisme religieux.
En tout, j’ai travaillé sur ce roman pendant deux années.
2. Le titre est souvent difficile à trouver pour un roman, peux-tu me dire comment et pourquoi tu as choisi ce titre ?
Le ciel incarne plusieurs sujets qui traversent cette fiction. Ce titre s’est vite imposé à moi. Le personnage sait prendre de la hauteur. Elle observe le monde depuis un balcon situé dans une ville quelque part de l’autre côté de la « petite mer », et ensuite depuis la fenêtre d’une Tour HLM de la banlieue française. Il n’y a pas de frontières dans le ciel, et cela me fascine.
« Le monde à l’envers », « Aide-toi et le Ciel t’aidera », sont des images qui m’ont influencée aussi !
3. La première partie se passe au Maroc, as-tu puisé un peu dans ta propre vie ?
Mon imagination a tissé une fiction dans le canevas d’une réalité que je connais parfaitement. La puissance et la nécessité d’écrire viennent de là, de cette posture qui consiste à s’exprimer, et à imaginer, en « connaissance de cause ».
Mon « état civil » et mon parcours sont différents de ceux du personnage que j’ai construit, mais les sensations et certaines réalités sont puisées dans les observations de mon vécu.
4. Tu abordes la vie dans le nord du Maroc et ses problématiques, notamment le clin d’œil aux femmes mulets de Ceuta, s’agit-il de tes simples constatations et recherches ou bien tu as vécu une partie de ta jeunesse dans cette région ?
Je n’ai pas vécu dans la région du nord mais je m’y suis régulièrement rendue pour des séjours. Plus jeune, j’y suis allée, comme beaucoup de marocains, pour y acheter des produits d’Espagne (habits, chocolats, produits de beauté…). J’en ai gardé des souvenirs. Les divers documentaires et enquêtes journalistiques sur les femmes mulets m’ont été également utiles. Ces femmes subissent des violences inadmissibles. Leur quotidien est extrêmement difficile. C’est un scandale.
Dans le roman, la mère-officielle est une femme mulet, et la précarité de ce métier est à l’origine d’événements qui font basculer le destin des personnages.
5. J’ai adoré ton style et la force de tes descriptions et expressions, comment tu es arrivée à aiguiser un tel style ? Depuis quel âge as-tu commencé à écrire ? As-tu suivi des formations à l’écriture ?
Enfant, je savais, peut-être d’instinct, que si j’avais une place dans ce monde, elle serait dans la littérature. J’aimais lire, rêvasser et écrire des poèmes. Mes professeurs décelaient cette vocation et m’encourageaient souvent.
Je n’ai pas suivi des formations ou des études de lettres. Au Maroc, les bons élèves étaient systématiquement orientés vers des cursus scientifiques ou économiques estimés plus rentables avec des débouchés plus certains. J’ai donc intégré une grande école de commerce, mais ne me suis jamais éloignée de ce rêve.
Lire est la meilleure des formations.
6. On dit que pour devenir écrivain, il faut avoir lu beaucoup de livres, peux-tu confirmer cela dans ton cas ? Et me citer quelques livres qui t’ont marquée ?
Je confirme. Je suis avant tout une grande lectrice. La culture de la lecture n’est pourtant pas très répandue au Maroc, et l’accès aux livres loin d’être aisé. Pendant l’enfance et l’adolescence, je lisais les quelques livres que nous avions à la maison, même si je ne comprenais pas toujours tout.
Nombreux sont les livres qui m’ont marquée. Aujourd’hui, je citerai :
Johnny s’en va t-en guerre de Dalton Trumbo
Miramar de Naguib Mahfouz
Les Choses de Georges Perec
Home de Tony Morrison
Et bien d’autres…
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