Ces livres qui changent le monde !

J’aime beaucoup ces livres qui changent le monde, qui participent à bousculer les mentalités et les politiques, qui vous donnent envie d’agir et qui vous inspirent de l’espoir. De Günter Wallraff et son livre « Tête de Turc » à Chadia Arab et son livre « Dames de fraises, doigts de fée, les invisibles de la migration saisonnière marocaine en Espagne », en passant par bien d’autres.

En dehors des romans, j’ai toujours aimé les récits historiques, les pièces de théâtre engagé et les enquêtes journalistiques. Dans ce dernier genre, mes références parmi les écrivains marocains sont Fatema Mernissi, Zakya Daoud, Hicham Houdaifa, Kenza Sefrioui, Chadia Arab. En dehors du Maroc, j’ai beaucoup aimé le journaliste allemand Günter Wallraff, le journaliste et écrivain français Gilles Perrault. Leurs ouvrages sont à l’origine de grands changements car ils ont réussi à toucher la société là où le bât blesse, là où les habitudes s’installent jusqu’à banaliser parfois les pires injustices.

Hicham Houdaïfa et les oubliées du Maroc profond

Avec ce premier livre de la série Enquête de la jeune maison d’édition casablancaise En Toutes Lettres, Hicham Houdaïfa, signe une grande enquête d’investigation sur un sujet sensible et brûlant par son actualité et par l’urgence de rendre justice à ces femmes oubliées du Maroc profond. On connaît déjà les affreuses conditions d’exploitation des femmes mulets de Ceuta, dans ce livre, est mise en lumière l’étendue de ces violences faites aux femmes sur les plans, économique, psychologique, sexuel, etc.

« Dos de femme, dos de mulet : Les oubliés du Maroc profond » contient plusieurs reportages, chacun concerne une région du pays ou un problème particulier touchant des femmes.

  • Les ouvrières clandestines de Mibladen dans la région de Midelt, mines aujourd’hui à l’abandon, pour survivre, des hommes et des femmes descendent encore ramasser les miettes de plomb sans aucune protection et au péril de leur vie.
  • Les torturées de Ksar Sountate : subir les pires atrocités, juste parce que filles ou épouses de ceux qui ont été arrêtés et exécutés lors des événements de mars 1973 dans le Moyen Atlas.
  • La double peine des femmes Ninja, travailleuse de la clémentine à Berkane, souvent venues d’ailleurs et qui subissent une double exploitation, économique et sexuelle.
  • Les femmes prêtées de Kalaat Sraghna, des mineures sont données à des hommes qui signent avec leur père un « contrat » moyennant 20 000 à 60 000 dirhams.
  • Les sans-papiers de l’Atlas, des mariages sont conclus « à la Fatiha », sans aucun papier. Sans contrôle de l’âge des fiancées. Sans possibilité d’avoir un état civil pour les enfants, et de faire respecter les droits lors des divorces et des veuvages.
  • Les Barmaids de Casablanca, le monde de la nuit est un gouffre qui broie des femmes, souvent mères célibataires et dans la plus grande précarité.
  • Les victimes de la traite dans le Golfe, elles postulent un poste de coiffeuse ou similaire dans les pays du Golfe, elles s’y retrouvent sans passeport et contraintes à la prostitution.

L’auteur nous fait un constat dur et alarmant, mettant en évidence les raisons de cette situation qui se nourrit de l’abandon scolaire précoce ou l’inexistence de scolarité, du poids des traditions ancestrales, de l’indifférence des autorités et de l’insuffisance de la Moudawana (code de la famille), même si elle avait été révisée et promulguée en 2004. Il nous présente également le rôle joué par les associations pour venir en aide à ces femmes, notamment en tirant la sonnette d’alarme sur les chiffres concernant les violences faites aux femmes à travers tout le pays.

Ce livre d’Hicham Houdaïfa, comme son second livre à propos de l’islamisme radical au Maroc, est pour moi un manifeste à lire de toute urgence, à diffuser et à participer par tous les moyens pour venir en aide à ces femmes et leur rendre justice.

Kenza Sefrioui et les péripéties de la chaîne du livre au Maroc

Déjà avec son livre, tiré de sa thèse, « La revue Souffles (1966-1973) ; espoirs de révolution culturelle au Maroc », Kenza Sefrioui m’avait impressionné en s’intéressant et en mettant en valeur l’expérience culturelle de cette revue mythique qui avait porté un projet parmi les plus beaux et les plus révolutionnaires du Maroc moderne.

Ses enquêtes relatées dans son livre « Le livre à l’épreuve ; les failles de la chaîne au Maroc » nous invitent à découvrir où en est le livre au Maroc ? Elle nous montre qu’entre la rareté des bibliothèques, les disparités géographiques, la fragilité du secteur dans le pays, le livre n’est pas suffisamment accessible. À travers son voyage, elle nous raconte des expériences des acteurs et militants de la société civile qui essayent de combler les manquements de l’état en créant par exemple des bibliothèques dans le milieu rural ou encourager la lecture par d’autres moyens et lancer ainsi des dynamiques citoyennes. Elle met en lumière toutes les difficultés que rencontre la diffusion du livre. Plusieurs volets sont étudiés, la censure subtile pratiquée par les autorités, le phénomène des livres piratés qui menace les librairies déjà assez fragilisées, l’absence du dépôt légal et les faiblesses du circuit de diffusion qui rendent difficile l’établissement d’une bibliographie nationale, l’absence de circuits stimulants le livre et qui amène certains auteurs à passer par des circuits éditoriaux étrangers, etc.

Comme il figure sur la dédicace que Kenza Sefrioui m’avait écrite sur ma copie, son livre est un miroir inquiétant mais plein d’espoir. J’ai beaucoup aimé le style de son récit, très prenant et poétique. J’ai aimé par exemple le choix des titres des chapitres, comme celui de « Une bibliothèque comme un point d’eau ». J’ai aussi appris beaucoup sur la littéraire marocaine grâce aux différentes références aux auteurs et auteures qui ont marqué la production de cette littéraire, notamment en langue française. Bref, ce livre m’a donné envie, entre autres, de :

  • Soutenir, y compris financièrement, les initiatives que je ne connaissais pas et qui sont signalées, comme celle des frères Chentoufi,
  • Acquérir un certain nombre d’ouvrages référencés et qui manquent à mes lectures,
  • Chercher comment je peux aider et faire connaître davantage les livres des éditeurs marocains comme, Le Fennec, Tarik éditions, En Toutes Lettres.

Chadia Arab et les invisibles de la migration saisonnière marocaine en Espagne

Avec « Dames de fraises, doigts de fée, les invisibles de la migration saisonnière« , Chadia Arab, la géographe, chercheuse et écrivaine marocaine, a enquêté et alarmé sur les conditions de ces milliers de Marocaines qui sont parties travailler, à la fin des années 2000, à la cueillette des fraises dans la province de Huelva, en Espagne. Recrutées directement au Maroc par des contrats saisonniers, ces Dames de fraises sont choisies pour la précarité de leur situation et parce qu’elles laissent des enfants qui les contraindront à revenir. Elles subissent une exploitation à multiples formes, y compris un harcèlement sexuel. L’auteure en enchaînant les rencontres avec des responsables et avec le public pour présenter son livre, elle réussit à créer une attention et une grande solidarité et son travail a déjà obtenu un début de mesures en faveur de ces femmes de la part des deux pays concernés.

Epilogue

Ces livres sont à mettre entre les mains du public et en particulier entre celles des acteurs de la société civile et des responsables politiques pour les inciter à bien voir les situations en question et prendre les décisions qui s’imposent. Personnellement, je soutiens ces expériences en lisant ces livres et en achetant des exemplaires supplémentaires afin de les offrir autour de moi ou de les mettre à la disposition des bibliothèques publiques que je fréquente. J’invite mes amis et les visiteurs de mon blog à faire pareil !

Interview avec Leïla Bahsaïn

Leïla Bahsaïn

1. Leïla Bahsaïn, « Le ciel sous nos pas » est ton premier roman, peux-tu me raconter en bref, l’histoire de ce livre, comment l’idée t’es venue, en combien de temps tu l’as écrit?

Depuis quelques années j’écris et je publie des nouvelles régulièrement. C’est toujours le désir de modeler une langue à même de porter une histoire qui anime le démarrage d’un texte.
Pour ce roman, mon idée de départ était en apparence simple : narrer l’éveil amoureux d’une jeune fille d’aujourd’hui, issue de la « génération de la mondialisation », et qui refuse de renoncer à sa liberté. Une femme qui réfléchit par elle même et qui refuse l’idée d’une pensée prête à porter. J’ai donné vie à cette héroïne et je n’ai eu qu’à la suivre des deux côtés de la méditerranée. Le récit s’est égrainé, et les histoires d’amour et d’amitié de cette femme ont été contrariées par les diktats du consumérisme sauvage et de l’extrémisme religieux.
En tout, j’ai travaillé sur ce roman pendant deux années.

2. Le titre est souvent difficile à trouver pour un roman, peux-tu me dire comment et pourquoi tu as choisi ce titre ?

Le ciel incarne plusieurs sujets qui traversent cette fiction. Ce titre s’est vite imposé à moi. Le personnage sait prendre de la hauteur. Elle observe le monde depuis un balcon situé dans une ville quelque part de l’autre côté de la « petite mer », et ensuite depuis la fenêtre d’une Tour HLM de la banlieue française. Il n’y a pas de frontières dans le ciel, et cela me fascine.
« Le monde à l’envers », « Aide-toi et le Ciel t’aidera », sont des images qui m’ont influencée aussi !

3. La première partie se passe au Maroc, as-tu puisé un peu dans ta propre vie ?

Mon imagination a tissé une fiction dans le canevas d’une réalité que je connais parfaitement. La puissance et la nécessité d’écrire viennent de là, de cette posture qui consiste à s’exprimer, et à imaginer, en « connaissance de cause ».
Mon « état civil » et mon parcours sont différents de ceux du personnage que j’ai construit, mais les sensations et certaines réalités sont puisées dans les observations de mon vécu.

4. Tu abordes la vie dans le nord du Maroc et ses problématiques, notamment le clin d’œil aux femmes mulets de Ceuta, s’agit-il de tes simples constatations et recherches ou bien tu as vécu une partie de ta jeunesse dans cette région ?

Je n’ai pas vécu dans la région du nord mais je m’y suis régulièrement rendue pour des séjours. Plus jeune, j’y suis allée, comme beaucoup de marocains, pour y acheter des produits d’Espagne (habits, chocolats, produits de beauté…). J’en ai gardé des souvenirs. Les divers documentaires et enquêtes journalistiques sur les femmes mulets m’ont été également utiles. Ces femmes subissent des violences inadmissibles. Leur quotidien est extrêmement difficile. C’est un scandale.
Dans le roman, la mère-officielle est une femme mulet, et la précarité de ce métier est à l’origine d’événements qui font basculer le destin des personnages.

5. J’ai adoré ton style et la force de tes descriptions et expressions, comment tu es arrivée à aiguiser un tel style ? Depuis quel âge as-tu commencé à écrire ? As-tu suivi des formations à l’écriture ?

Enfant, je savais, peut-être d’instinct, que si j’avais une place dans ce monde, elle serait dans la littérature. J’aimais lire, rêvasser et écrire des poèmes. Mes professeurs décelaient cette vocation et m’encourageaient souvent.
Je n’ai pas suivi des formations ou des études de lettres. Au Maroc, les bons élèves étaient systématiquement orientés vers des cursus scientifiques ou économiques estimés plus rentables avec des débouchés plus certains. J’ai donc intégré une grande école de commerce, mais ne me suis jamais éloignée de ce rêve.
Lire est la meilleure des formations.

6. On dit que pour devenir écrivain, il faut avoir lu beaucoup de livres, peux-tu confirmer cela dans ton cas ? Et me citer quelques livres qui t’ont marquée ?

Je confirme. Je suis avant tout une grande lectrice. La culture de la lecture n’est pourtant pas très répandue au Maroc, et l’accès aux livres loin d’être aisé. Pendant l’enfance et l’adolescence, je lisais les quelques livres que nous avions à la maison, même si je ne comprenais pas toujours tout.
Nombreux sont les livres qui m’ont marquée. Aujourd’hui, je citerai :

Johnny s’en va t-en guerre de Dalton Trumbo
Miramar de Naguib Mahfouz
Les Choses de Georges Perec
Home de Tony Morrison
Et bien d’autres…

Lire aussi

« Le ciel sous nos pas », le roman de Leïla Bahsaïn

Le premier roman de Leila Bahsain est beau, profond et tendre. Il entre haut la main dans la liste des livres que j’aime et je vous le recommande vivement.

J’ai commencé la lecture de ce roman, faute de temps, presque un seul chapitre par jour, juste avant de me coucher. Et de jour en jour, l’envie d’en lire plus s’est installée et j’ai pu ainsi le terminer avec un grand plaisir. Très beau roman, bien écrit, digne de ce que j’ai lu de certains grands et certaines grandes de la littérature marocaine de langue française. Ma mauvaise (ou bonne, c’est selon !) habitude est de plier la page par le bas à chaque fois qu’un passage me touche, soit par ce qu’il représente de profond en moi, soit tout simplement par sa beauté. J’en ai plié plus d’une trentaine, cela me sert surtout à trouver plus facilement les plus belles citations des livres que je lis.

A travers la narratrice, un beau et subtile témoignage, sur les conditions des femmes au Maroc, se profile d’une page à l’autre. Dans un univers et des décors dignes de ceux des grands films, Leila nous livre l’histoire d’une jeune femme, ses pensées et sensations, parfois crues ainsi que ses expériences audacieuses et ses analyses choc. Le monde de la finance, la sexualité taboue, douloureuse et secrète, les femmes mulets de Ceuta, l’Islam, la France, les références culturelles de toute une époque, rien n’échappe à l’auteure qui exprime tout cela non sans humour et dans un style fort et audacieux.

Merci pour tous les détails et toutes les sensations exprimées que, même garçon que je suis et ayant passé ma jeunesse au Maroc, je les ai aussi un peu vécus. Merci aussi pour de ta générosité et de m’avoir délivré quelques secrets de femmes de mon pays que j’avais du mal à apercevoir, à percer ou à même imaginer. Merci enfin pour les beaux passages que je garde de côté afin de puiser dedans, selon les circonstances, des leçons de vie ou simplement des expressions touchantes et bien formulées. Je me permets ici d’en citer quelques-uns :

« Je suis sa princesse. J’ai mal et j’adore cette douleur. Je ne sais si je suis le martyr ou le tortionnaire.
Nous sommes deux, et le diable est avec nous. Son image est distincte, il est si proche. Je vois son visage rouge et ses sourcils de charbon. Son rire est un feu qui me brûle. D’une main, il me tend un oiseau du paradis. De l’autre, il me menace de son fouet. Cent coups de fouet. Cent coups de fouet mais le système est clément. Cent coups théoriques. En pratique, ils seront convertis en opprobre. »

« Le mot écris est rebelle et visionnaire. Il prend ses racines dans le futur. Le mot écrit rejoint l’éternité. Il décante et se bonifie. Écrire appartient au domaine des esprits et des anges. »

« Je n’ai encore jamais vu autant de livres et il me faut un temps d’adaptation pour accéder au culte de la culture. Je suis admise à la faculté d’économie pour étudier le fonctionnement des grands systèmes, des grandes surfaces et de la grande propagande. Le moins que l’on puisse dire est que j’ai du retard à rattraper pour atteindre le niveau de ceux qui ont grandi dans la tradition de la réflexion libre de toute censure. Ceux qui ont accès aux livres, à l’art et à la culture depuis leur naissance. »

« Le rêve est la plus belle preuve de clémence divine adressée aux prisonniers. »

Bon vent, chère amie, à ton premier roman dont je recommande vivement la lecture à mes réseaux d’amis. J’ai déjà hâte de lire d’autres livres de toi !

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Entretien avec Kenza Sefrioui, écrivaine, journaliste et co-fondatrice des éditions « En Toutes Lettres » au Maroc

J’ai eu un grand plaisir de collaborer avec North Africa Web TV pour la réalisation d’un entretien avec Kenza Sefrioui, journaliste culturelle, critique littéraire et éditrice à En toutes lettres au Maroc. C’était à l’occasion du l’édition 2018 du Salon international de l’édition et du livre de Casablanca.

Elle nous a parlé de son dernier livre « Le livre à l’épreuve » paru en 2017 et dans lequel elle fait un bilan alarmant sur la lecture et sur l’organisation du secteur du livre au Maroc. Elle nous a fait part également de son expérience en tant qu’éditrice chez En Toutes Lettres, la maison d’édition spécialisée dans l’enquête journalistique.

Entretien avec Nadia Essalmi, écrivaine et éditrice

J’ai eu un grand plaisir de collaborer avec North Africa Web TV pour la réalisation d’un entretien avec Nadia Essalmi, écrivaine et fondatrice de la première maison d’édition marocaine spécialisée dans la littérature jeunesse en 1998 (Yomad). C’était à l’occasion de l’édition 2018 du Salon international de l’édition et du livre de Casablanca. Elle nous a parlé de son expérience d’éditrice pionnière dans ce domaine et aussi des actions qu’elle a entreprises en faveur de la lecture des enfants en organisant notamment des ateliers gratuits de lecture d’abord à Rabat et ensuite dans d’autres villes du Maroc.

Elle nous a fait également découvrir son premier essai « La révolte des rêves » paru en 2018 chez Editions Virgule à Tanger.

« Comme un ciel de Chagall » de Jacques Biolley, un livre bouleversant !

Le livre de l’écrivain suisse Jacques Biolley « Comme un ciel de Chagall : Chronique extraordinaire d’un pénis ordinaire » est d’une tendresse et d’une sagesse, qui aideront certainement plusieurs d’entre nous à mieux appréhender l’amour et la sexualité.

En 1991,  j’ai eu la chance de rencontrer une formidable personne qui m’avait fait découvrir un livre sublime, un livre qui a illuminé ma vie d’homme. Je venais d’avoir un accident de la route, les métatarses du pied gauche cassés avaient nécessité une intervention chirurgicale pour installer ce qu’on appelle des broches et un plâtre que j’ai dû garder pendant environ trois mois. Une fois mon pied réparé et le plâtre enlevé et après quelques séances de rééducation, j’avais décidé d’aller seul marcher sur le sable au bord de la mer et emporter avec moi ce livre pour le lire et découvrir son auteur.

Le soleil était mielleux et délicieux et mon désir de lui, du livre, était insoutenable. Je suis resté le premier jour jusqu’au coucher du soleil sur la plage en train de le lire avec délectation. Le lendemain, j’ai dû courir à la première pharmacie pour acheter des crèmes afin de soigner mes brûlures et je suis resté pendant deux jours à l’ombre. Relire des passages de ce livre m’était d’une douceur et d’un soulagement appréciables.

Je conseille sa lecture à toutes les femmes et à tous les hommes, il changera probablement la conception des uns des autres et vice versa. Livre d’une tendresse et d’une sagesse qui aideront certainement plusieurs d’entre nous à mieux appréhender l’amour et la sexualité.

Extrait du livre

« Et demain, demain ce sera comment ? Demain, oui je sais, demain les jours décideront de se tromper de sens, ils remonteront le temps jusqu’aux plus belles années ! Ce serait merveilleux, la vie en sens inverse. Tomber d’une lueur aveuglante sous forme de vieillard. Découvrir ses enfants déjà adultes, et les revoir rajeunir. Avoir quarante ans, puis trente, puis vingt-cinq. Vivre la fin d’un amour le cœur léger parce qu’après il y a le temps à vivre ensemble, les belles années qui se terminent sur le plus beau jour, le premier baiser. Devenir pénis d’adolescent, faire l’amour pour la première fois, changer d’aspect jusqu’à devenir imberbe, puis sexe d’enfant, de bébé. Perdre le sens des mots, entrer dans l’univers géant, me faire petit, toujours plus petit et rejoindre la vie d’avant la vie. »

Fatima Mernissi, une fierté nationale !

Fatima Mernissi, la sociologue et écrivaine marocaine, est sans conteste la personnalité littéraire marocaine que j’aime le plus. Elle m’a marqué par son oeuvre littéraire, par les résultats de ses recherches universitaires et par ses actions et son engagement pour les droits des femmes et pour le développement de notre pays le Maroc. Elle m’a touché également par son style littéraire, simple et humoristique, qui donne une qualité didactique certaine à ses écrits et à ses interventions lors de conférences.

Née à Fès en 1940 et morte, hélas, à Rabat en 2015, Fatima Mernissi est une grande dame qui a contribué au développement du Maroc et qui a défendu les droits des femmes en terre d’Islam et au delà et qui continue à le faire à travers son héritage riche et diversifié. Etudes sociologiques publiées nationalement et internationalement, vidéos de ses interventions dans les conférences auxquelles elle avait participé durant plusieurs années avant sa mort et bien sûr ses romans et ses essais traduits parfois dans une vingtaine de langues. Beaucoup de lecteurs de par le monde ont lu par exemple son célèbre roman Rêves de femmes : Une enfance au Harem.

L’objet de ce texte n’est pas de donner un résumé de son parcours et de son oeuvre mais de témoigner, en tant que personne ordinaire et en tant que lecteur assidu, de l’impact de ce personnage dans ma vie et aussi ma propre histoire avec ce personnage. N’ayant pas fait  à l’origine, des études de lettres ou dans un domaine se rapprochant de la sociologie, j’ai découvert les écrits de Fatima Mernissi, un peu tardivement, au milieu des années 80 du siècle dernier. Dès le départ, j’ai été impressionné et captivé par son style. A travers ses récits et ses enquêtes, notamment sur les conditions des femmes au Maroc auxquelles j’étais assez sensible dès mon jeune âge, elle me faisais penser à Colombo dans la célèbre série TV de ces années là.

En 1987, j’ai été content et fier de tomber sur ses études et enquêtes sociologiques à la Bibliothèque centrale du Bureau international du Travail (BIT) à Genève où j’ai effectué mon stage de fin d’études en Informatique documentaire. Depuis, j’ai suivi ses écrits et contributions à travers notamment les éditions Le Fennec qui ont publié la plupart de ses livres et dans lesquelles elle avait dirigé plusieurs collections, qui continuent même après sa mort et qui sont  d’une richesse et d’un apport important pour comprendre l’évolution de la société marocaine, pour soutenir le développement du pays et pour aider à la diffusion du livre et du savoir. J’ai adoré tous ses livres publiés au Maroc ou en France mais deux d’entre eux, un peu moins connus, avaient plus attiré mon attention. Il s’agit de :

  • « Chahrazad n’est pas marocaine : autrement, elle serait salariée! », paru en 1991 chez Le Fennec et qui montre, pour moi, surtout l’importance d’un système d’éducation efficace dans l’édification d’un pays et dans la libération de la femme et de l’homme ensemble. Fatima Mernissi a montré un talent immense dans ce livre agrémenté bien sûr par son personnage historique favori de Chahrazad mais aussi par ses réflexions et l’apport de son ouverture à travers ses voyages, notamment au Japon ou le système éducatif est un des plus développé au monde.
  • « Les Aït Débrouille : ONG rurales du Haut-Atlas », paru en 1997 chez Le Fennec, et chez Marsam en 2003. C’est un reportage sur la naissance d’un mouvement civique qui transforme le paysage politique marocain depuis 1995 et qui retrace dans une zone montagneuse du Haut-Atlas occidental, à 100 kilomètres au sud de Marrakech, l’expérience d’une association locale qui s’efforce de prendre en charge les problèmes du village, l’eau notamment.

Au milieu des années 1990, avec le développement de l’Internet et vu ma spécialisation dans la création et le développement des sites Web au sein du BIT, mon rêve était de créer un blog personnel dédié à Fatima Mernissi et ses œuvres. J’avais fait des tentatives, à travers les éditions Le Fennec, pour la rencontrer personnellement mais malheureusement des complications liées notamment à son emploi du temps pendant mes visites estivales au Maroc avaient rendu notre rencontre impossible. Toutefois, grâce à Le Fennec, j’ai pu obtenir l’autorisation de créer tout blog que je désirais sur tout sujet en relation avec les livres de l’écrivaine.  Ainsi j’ai pu réalisé un blog présentant Fatima Mernissi et ses livres en 1998 sur Wanadoo, le célèbre réseau en France à cette époque. J’aurais aimé, bien sûr, réaliser son site officiel qui a vu le jour par la suite et qui a été réalisé par une autre personne ou par une agence.

D’autres occasions allaient se présenter pour que je puisse la rencontrer mais malheureusement elle nous a quitté en 2015. Pour finir, je partage ici une vidéo dans laquelle, à l’occasion du Festival de Fès de la Culture Soufie en 2007, elle avait mené une analyse intéressante à propos de la fin de l’ère industrielle, synonyme d’esclavage, en faveur de la société digitale, qui représente un retour à l’ère artisanale, et ou elle avait manifesté un petit coup de gueule que je vous laisse découvrir.


Le livre professionnel et son rôle dans le développement de carrière

Le livre professionnel aide à s’auto-former, à rester à jour dans son domaine et à être performant dans la réalisation de ses tâches et ses nouvelles missions. Il a joué un rôle crucial dans la réussite des projets qui m’ont été confiés et par conséquent sur le développement de ma carrière professionnelle.

Un livre professionnel est un livre rédigé par un expert dans un domaine donné et qui a pour objectif premier d’aider une communauté dans la pratique des principes de ce domaine. Il s’agit souvent de manuels regroupant l’essentiel des connaissances relatives à un domaine donné ou de guides donnant un ensemble de procédures à suivre pour réaliser un objectif donné. Les exemples les plus connus sont un livre de cuisine, un manuel scolaire, un guide d’utilisation d’un logiciel, un manuel de procédures de qualité ou encore un kit pour le chef de projet.

Pour se former et/ou rester à jour dans son ou ses domaines, on peut suivre des sessions de formation, entreprendre un nouveau diplôme à l’université ou dans une école spécialisée ou tout simplement s’auto-former grâce un livre professionnel rédigé par un expert reconnu. Les deux premières méthodes sont souvent coûteuses en temps et en argent mais un bon livre professionnel on peut acquérir un exemplaire, en général, entre 25 et 100 euros. Personnellement, durant ma carrière professionnelle en tant qu’informaticien, j’ai essayé les trois méthodes et je trouve que chacune a son importance et a un rôle particulier. Dans le cadre de ma formation continue, j’ai pu suivre aux frais de mon entreprise de nombreuses formations de courte durée pour me permettre d’être plus efficace immédiatement dans la réalisation de mes tâches. Et j’ai pu également suivre un nouveau diplôme universitaire avec une aide financière de mon employeur afin de pouvoir avancer dans ma carrière et occuper un poste différent ou m’améliorer dans l’accomplissement de missions nouvelles.

En ce qui concerne le livre professionnel, j’ai rencontré deux sortes de livres qui ont des objectifs différents. Le premier type est le manuel d’utilisation ou d’auto-information lié aux outils utilisés dans la réalisation de mes tâches régulières et il est souvent pris en charge par l’employeur. Le second est le manuel de connaissances ou le guide de l’état de l’art de la pratique d’un domaine donné, celui-ci est volontaire, on décide de l’acquérir soi-même, soit pour se préparer à une nouvelle mission, soit pour aller plus loin dans la compréhension et la pratique des missions confiées. Le recours à ce dernier type se fait souvent d’une manière discrète afin de montrer à ses chefs hiérarchiques le niveau de ses connaissances et sa capacité à les mettre à jour et à recevoir des missions en adéquation avec ces connaissances.

Je m’arrête ici pour rendre hommage à la collection « Que sais-je? » qui représente pour moi un grand trésor car j’y ai toujours trouvé une réponse à mes questions. Avant Internet, à chaque fois que je rentrais dans une librairie, je visitais en premier lieu les rayons où sont classé les livres de cette collection pour découvrir les nouveautés. Cette collection met à la portée de tous, à un prix abordable qui est actuellement 9 euros, et d’une manière concise (128 pages seulement) le savoir des meilleurs spécialistes dans tous les domaines.

Durant ma carrière professionnelle dans le domaine informatique quelques livres m’avaient été d’une aide capitale et m’avaient permis de saisir d’importantes opportunités de travail et de promotion. En 2005, à l’arrivée d’un nouveau directeur, il avait été décidé de doter l’organisation d’un nouvel outil de communication avec ses membres, un Extranet. Il s’agit d’un système supplémentaire offrant aux membres de l’association et à ses partenaires, un accès privilégié à certaines informations et ressources par l’intermédiaire d’une interface Web sécurisée. J’avais investi dans deux livres :

  • L’entreprise Intranet de Frédéric Alin, Xavier Amoros, et Marc Saliou (Paru en mai 2002)
  • Conduite de projet Web de Stéphane Bordage (Dernière édition parue en novembre 2011)

Une fois le contenu de chacun parcouru et aidé par les premiers enseignements donnés par ses livres, j’ai rédigé une lettre motivée au comité de direction pour me proposer comme chef de ce nouveau projet. La réponse était positive et j’ai pu ainsi piloter avec succès mon premier grand projet Web en me basant sur l’état de l’art de la gestion de projet extranet exposé dans mes deux livres.

Encore aujourd’hui, en tant qu’autoentrepreneur, j’ai souvent recours à des livres professionnels pour remédier à un manque de connaissances dans un domaine donné. Par exemple, pour organiser des événements, domaine dans lequel je n’ai pas une grande expérience et dont j’avais besoin dans le cadre d’un projet que j’ai essayé de lancer il y a quelques années ou encore pour réaliser des sites Web plus performants. Il s’agit de ces deux livres :

  • Réussir l’organisation d’un événement d’Anthony Babkine et Adrien Rosier (Dernière édition parue en 2018)
  • Audit de site web de Vincent Hiard (Dernière édition parue en 2016)

Un livre professionnel peut permettre à un dirigeant d’entreprise ou un professionnel indépendant (consultant, coach, formateur, thérapeute, prestataire de services) de se positionner en tant qu’expert dans son domaine et développer ainsi son activité commerciale. En tant qu’autoentrepreneur dans la gestion et la création de sites Web pour associations et PME, je suis moi-même tenté par écrire un guide recensant et décrivant les solutions informatiques à moindre coût et adaptées pour ces petites structures.

Ma première lecture !

Je ne veux pas parler ici des romans qui étaient obligatoires à lire au collège comme « Les misérables » de Victor Hugo et bien d’autres chefs d’œuvres. Je veux parler de la première fois pendant laquelle j’ai rencontré, d’une manière volontaire, mon premier livre, ma première lecture.

Avec mes parents, nous étions trois garçons et trois filles et habitions un deux-pièces à Casablanca dans un quartier populaire. Nos petites affaires personnelles, livres et cahiers d’école y compris, étaient mises dans l’espace commun et chacun de nous pouvait les voir et parfois les consulter. Mon frère aîné lisait souvent des romans « roses » (d’amour) égyptiens qui étaient prisés à cette époque (années soixante). Je me rappelle un jour vers l’âge de 13/14 ans, j’ai eu une envie ou plutôt une curiosité, lire et découvrir le plaisir que mon frère pouvait avoir. Le livre sur lequel je suis tombé ce jour-là était un roman de l’écrivain égyptien Yusuf Sibai, c’était « Nadia » qui était sorti en 1960, quelques années après la guerre du Sinaï que la France, le Royaume-Uni et Israël avaient menée contre l’Égypte de Nasser suite à sa volonté de nationaliser le Canal de Suez.

Sur ce fond historique, le roman raconte une histoire d’amour qui s’est construite à coups de lettres anonymes entre une jeune fille et son amoureux, un chirurgien qu’elle a vu seulement une fois dans un hôpital au Caire. Cette jeune fille au nom de Nadia avait subi les effets d’un accident domestique qui lui avait brûlé une partie de son cou et elle en est devenue complexée au point où elle n’avait pas hésité à glisser les photos de sa sœur jumelle dans les lettres échangées avec son amant virtuel. Un jour leur père va mourir suite à une maladie, se trouvant déshéritées par une tante méchante, leur mère de nationalité française décide de partir vivre avec ses deux filles à Gap en France. La correspondance de Nadia avec son amoureux a commencé une fois loin du Caire et a continué  jusqu’au jour où elle perd sa sœur jumelle et où elle passe par une crise l’amenant à avoir des idées noires, se jeter par le haut d’une falaise. Heureusement, avant de passer à l’acte, elle révèle dans une ultime lettre son état de désespoir à son correspondant. Ce dernier, amoureux d’elle virtuellement et surtout inquiet pour elle, il décide de la rejoindre. La guerre étant déclarée, l’aéroport du Caire fermé, il va essayer par tous les moyens, y compris clandestins pour lui venir en aide et la mettre dans ses bras pour le restant de leurs vies. Émouvante histoire, je l’avais lue d’un trait sur notre terrasse, seul, avec le livre, le soleil et quelques clémentines.

Ce roman a marqué ma vie en inscrivant en moi à jamais le romantisme, l’amour, le désir de lire et de découvrir d’autres univers. Plus tard, j’ai quitté le Maroc pour la France et un des rêves que j’ai pu réaliser était celui de visiter Gap et de découvrir ses rues et ses paysages, je les avais trouvés comme c’était décrit dans le livre. Depuis, mes goûts littéraires ont évolué et se sont diversifiés, j’en ai lu un bon nombre de romans, j’en suis fier et ils font partie de moi ! Voici ici la traduction plus ou moins hasardeuse de la page du livre partagée en photo :

« Nadia d’une voix forte et suppléante :
– Mais je ne peux pas te laisser toute seule !
La mère :
– Mais tu me laisses aujourd’hui et tu vas me revenir, revenir me voir avec Midhat … et avec vos enfants… et je prie Dieu pour que tu sois dans une situation beaucoup mieux que la mienne… et plus chanceuse… et…
Midhat la coupe :
– Mais la possibilité de retourner ici sera peut-être compromise, la guerre a éclaté entre la France et l’Egypte !
Relevant la tête, la mère d’une voix douce et confiante :
– La guerre ne peut pas durer… c’est la paix qui est intelligence et avenir… le sentiment de bonté entre les êtres humains est plus fort que la haine des hommes politiques… l’amour est plus fort que tout… Le feu va s’éteindre… le bruit des canons finira par être réduit au silence, et les vents de la paix couvriront la terre à nouveau et pour toujours… et nous nous verrons et nous nous enlacerons à nouveau… sur votre terre il y a l’amour… et sur la nôtre aussi… l’amour est plus fort que la haine et la guerre. »

Aujourd’hui, on peut lire gratuitement ce livre en téléchargeant les deux volumes à partir du site web http://www.8gharb.com :

Ce roman a été aussi adapté au cinéma avec comme premier rôle, l’actrice que j’ai adorée pendant ma petite jeunesse, la belle Souad Houssni, disparue à Londres en 2001 sous des circonstances pour le moins mystérieuses, et voici le lien sur youtube pour voir le film (Non arabophones, désolé qu’il ne soit pas sous-titré en français !) :